La méthode Miyawaki, une solution aux effets du changement climatique ?

La méthode Miyawaki, une solution aux effets du changement climatique ?

Est-il possible de faire pousser une forêt en pleine métropole aujourd’hui, malgré le manque d’espace et des sols complètement bétonnés? C’est une problématique à laquelle la méthode Miyawaki tente d’apporter une solution. Cette méthode, qui tire son nom du professeur Akira Miyawaki, un botaniste japonais, vise la restauration des forêts indigènes, c’est-à-dire des forêts n’ayant pas été modifiées par l’homme, à partir de sols dégradés ou déforestés en une courte période de temps. Selon Miyawaki, ces forêts indigènes sont plus résilientes et s’adaptent mieux aux conditions écologiques de leur milieu et au changement climatique. Ainsi, que vous viviez près d’une zone industrielle ou en plein cœur d’une métropole, dans une plaine aride ou sur une montagne humide, il n’existe théoriquement aucun terrain, climat ou relief qui ne puisse être reboisé grâce à cette méthode. Le processus est simple : après avoir observé la végétation naturelle autour du site de plantation, on fait germer en pépinière les graines correspondant à cette végétation. On effectue ensuite des apports en matière organique afin d’enrichir le sol dégradé, puis on plante les jeunes plants avec une très grande densité (2 à 7 plants par m2, contre 0,15 pour une plantation normale), en essayant de recréer la plus grande biodiversité possible. La forte compétitivité entre les espèces va les pousser à croître plus rapidement. Miyawaki estime qu’avec cette méthode il est possible de restaurer une forêt indigène en l’espace de 20 à 30 ans, alors qu’il faudrait plusieurs siècles pour arriver à un tel résultat naturellement. À l’heure où la reforestation est un sujet majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique, et où les villes souffrent de plus en plus des fortes chaleurs, la méthode Miyawaki serait-elle le remède miracle à tous ces maux?

Exemple de surface récemment boisée avec la méthode Myawaki par l'association Boomforest à Paris

Exemple de surface récemment boisée avec la méthode Myawaki par l'association Boomforest à Paris

Des bénéfices évidents et une mise en place facile et rapide

  • Une méthode adaptée au monde urbain

L’un des facteurs expliquant le succès de la méthode Miyawaki aujourd’hui est qu’elle répond très bien aux problèmes des milieux urbains : besoin de verdure, forte chaleur, pollution de l’air, espace limité… Une ville faisant face à ces problèmes pourra rapidement planter un grand nombre d’arbres dans un espace réduit grâce à la forte densité de plantation de la méthode, et ainsi offrir aux riverains davantage d’ombrage, de verdure, et donc de bien-être en général. En contribuant à réduire la température dans les villes, cette méthode contribue mécaniquement à diminuer la consommation d’énergie. Les espaces verts étant rares en ville, la méthode Miyawaki peut également contribuer à rendre l’immobilier plus attractif dans la ville. Un autre avantage de cette méthode est qu’il n’y a pas besoin d’avoir des hectares de surfaces disponibles pour planter une forêt Miyawaki, une centaine de mètres carrés suffisent. Elle permet de maximiser l’usage des surfaces pour des espaces verts du fait de sa grande flexibilité, et est donc un outil précieux pour l’aménagement urbain.

  • Un atout dans la lutte contre toutes les formes de pollution

D’une manière générale, la plantation d’arbres permet de lutter contre les différentes formes de pollution. En captant le carbone de l’atmosphère, les arbres contribuent à améliorer la qualité de l’air. Il est à noter que si elle est placée trop près d’une source de pollution, comme une route sur laquelle circulent beaucoup de voitures, la forêt Miyawaki peut être contre-productive en bloquant le vent, limitant ainsi la dispersion des polluants. La diminution de la pollution sonore est aussi un grand avantage de cette méthode : en poussant densément, les arbres forment un mur naturel réduisant le bruit ambiant, et cette réduction continue d’augmenter à mesure que la forêt grandit. La méthode Miyawaki permet aussi de lutter contre la pollution visuelle en réduisant les surfaces bétonnées ou goudronnées et en les transformant en sols pouvant abriter la vie. De plus, comme nous l’avons dit précédemment, une forêt Miyawaki ne nécessite pas beaucoup d’espace : une grande quantité de surfaces sont inutilement bétonnées dans nos villes et pourraient facilement être remplacées par des espaces verts.

Une méthode miracle?

Bien qu’à première vue la méthode Miyawaki semble être la solution rêvée aux problèmes de reboisement des villes, cette méthode comprend néanmoins certaines limites. D’abord, il se pose la question de savoir si l'on peut vraiment parler de forêt. L’IGN (l’institut national de l’information géographique et forestière) définit la forêt comme “un territoire occupant une superficie d’au moins 50 ares composé d’arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à 5 mètres à maturité, un couvert boisé de plus de 10% et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres”. Or, la méthode Miyawaki étant principalement utilisée en ville, les surfaces couvertes sont assez réduites, on comprend qu’il est difficile de les qualifier de forêts. On préfère plutôt parler de mini-forêt ou micro-forêt.

En réalité, les termes de forêt ou de mini-forêt sont surtout utilisés pour la communication car ils sont plus vendeurs. Cela nous amène au principal point négatif : la méthode Miyawaki peut facilement aboutir à du greenwashing. Elle permet de planter un grand nombre d’arbres sur une petite surface qui donneront rapidement des résultats court-termistes sur lesquels communiquer (nombre d’arbres plantés, nombre d’essences plantées, carbone stocké, biodiversité créée), là où ces résultats dans une véritable forêt devraient se mesurer sur le long terme. Les projets de boisements utilisant la méthode Miyawaki concentrent leur communication sur le grand nombre d’arbres plantés, sans évoquer les faibles surfaces que cela représente, ni la forte mortalité liées à compétition intense entre les essences. Il y a souvent un décalage entre l’idée qu’on se fait d’une forêt Miyawaki en imaginant les nombreux arbres plantés, et la réalité des petites surfaces boisées où une grande partie des arbres n’a pas survécu.

Il faut dire que cette méthode est facile à vendre car elle permet de faire des promesses exagérées, en garantissant une vitesse de croissance dix fois supérieure à une forêt, une biodiversité cent fois plus importante, une densité trente fois supérieure, et une autonomie après seulement trois ans, mais ces arguments manquent de fondement scientifique. La méthode Miyawaki étant récente à l’échelle de temps d’une forêt, nous manquons encore de recul et d’études scientifiques permettant de valider ses bienfaits. Affirmer que cette méthode puisse surpasser en quelques décennies la biodiversité, et les complexes interactions entre les organismes, qu'une forêt aura mis des siècles à développer, demande des arguments et preuves solides pour une promesse qui paraît contre-intuitive. Comme le souligne le Principe de Sagan : "des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires".

Un autre point faible de cette méthode est son coût élevé. Il faut d'abord prévoir de faire pousser des plants adaptés en pépinière, et il faut prévoir beaucoup de plants car on plante densément. Il faut également financer des travaux pour rendre un sol hostile favorable à la pousse des plantes, souvent situé en zone urbaine où le coût foncier est bien plus élevé.

Ainsi, bien que la méthode Miyawaki présente de nombreux avantages comme celui de n’être motivée par aucun objectif d’exploitation économique de la forêt, ou d’être particulièrement bien adaptée aux défis que doivent relever les villes, elle semble promouvoir un mode de développement trop rapide, trop dense et cherchant l'efficacité à tout prix, en contradiction avec le développement des forêts sur le temps long. Elle cherche en quelque sorte à projeter la forêt sur une échelle de temps humaine, alors que la forêt nous enseigne plutôt à prendre notre temps et à mesurer l’impact de nos actions sur le long terme.

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