La forêt est-elle le futur de l’agriculture française ?
L'agroforesterie est une pratique permettant d’associer sur une même parcelle des arbres avec des cultures ou des animaux. Bien qu’ancestrale, cette pratique est revenue à l’ordre du jour car elle comporte de nombreux avantages économiques, environnementaux, paysagers et sociaux, et parce qu’elle permet d’atténuer l’impact de l’agriculture sur le réchauffement climatique. L’agroforesterie se pratique sous diverses formes. En France, on retrouve par exemple les haies brises-vent, qui consistent à aligner des arbres autour d’une parcelle pour la délimiter et empêcher le bétail de s’en échapper, ou les prés-vergers, qui associent pâturage et production d’arbres fruitiers. Les surfaces agroforestières occupaient 1,6 millions d’hectares en France en 2017, soit environ 6% de la surface agricole totale. Le développement de ces pratiques a notamment été poussé à l’échelle nationale par le Plan de développement de l’agroforesterie entre 2015 et 2020, et à l’échelle européenne par des subventions dédiées aux systèmes agroforestiers de la Politique Agricole Commune. Aujourd’hui, l’agroforesterie s’impose comme une alternative de plus en plus pertinente pour répondre aux défis auxquels est confrontée l’agriculture.
Le rôle de l’agriculture dans le changement climatique
L’agriculture est aujourd’hui un secteur majeur du réchauffement climatique : en France, elle est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. 23% du CO2 émis en France est lié à l’agriculture, 68% du méthane est émis par l’élevage, et 80% du protoxyde d’azote est émis par la culture des sols. L’agriculture a également une grande responsabilité dans l’appauvrissement des sols du fait de leur surexploitation; ainsi que dans les problèmes liés à l’eau du fait de sa grande consommation d’eau et de la pollution provoquée par le ruissellement des engrais, l’utilisation de pesticides, et le rejet des déchets d’élevages.
Comment l’agriculture est affectée par le réchauffement climatique
Même si l’agriculture a une responsabilité non négligeable dans le réchauffement climatique, elle est surtout l’un des secteurs les plus fragilisés par ce phénomène. Cette fragilité se traduit à tous les niveaux : augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes tels que les sécheresses, les gelées tardives, et les pluies diluviennes, bouleversement du calendrier des cultures, hausses simultanées des difficultés d’accès à l’eau et des inondations, baisse du confort des animaux en été… Les agriculteurs sont pris au piège : l’agriculture intensive est le seul moyen pour eux de survivre à court terme, mais cette pratique fragilise leur activité à long terme. Toutes ces difficultés et ces risques nous encouragent à reconsidérer notre modèle d’agriculture pour le rendre plus résilient, durable, et transposable à moindre coût dans les exploitations actuelles. Or en matière de résilience et de durabilité, la forêt fait figure de modèle. L’agroforesterie permet de ne plus concevoir l’arbre comme un obstacle mais comme un atout dans nos systèmes agricoles, et de profiter de tous les avantages qu’il a à nous apporter.
Les vertus de l’agroforesterie
Le premier avantage qu’on peut tirer de l’agroforesterie est la valeur ajoutée économique de l’arbre : que ce soit ses fruits ou son bois, l’arbre représente une opportunité de revenu supplémentaire pour l’agriculteur. Ensuite, les arbres fournissent une multitude de services dans les domaines de la gestion de l’eau, de la fertilité des sols, ou de la lutte contre l’érosion qui augmentent la productivité des exploitations agricoles. Par exemple, une haie d’arbres filtre l’eau par ses racines, mais sert également de coupe-vent à la surface, limitant ainsi l’évaporation et l’érosion. Le sol sera plus humide plus longtemps et les besoins en irrigation seront moindres, ce qui représente une économie pour l’agriculteur.
Les arbres possèdent également des systèmes racinaires plus développés que les autres plantes, leur permettant d’aller chercher les minéraux en profondeur dans le sol, inaccessibles aux racines des autres plantes. Les arbres utilisent ensuite ces minéraux pour produire leurs feuilles et leurs fruits, qui, lorsqu’ils tombent, viennent constituer la litière dont se nourriront les futures cultures.
Les arbres constituent enfin un refuge pour de nombreux insectes, oiseaux, ou micro-organismes. Ils permettent à toute cette faune de s’abriter, de se nourrir et de se reproduire, et augmentent ainsi la biodiversité à proximité des cultures. Cette biodiversité accrue facilite la pollinisation des cultures et la lutte contre les ravageurs, et permet de limiter l’usage d’insecticides.
L’agroforesterie permet donc de créer des synergies entre les arbres et les cultures, tout en exploitant pleinement et durablement les ressources du sol. Ces synergies constituent pour l’agriculteur à la fois une hausse de rendements et une baisse de coûts.
Agroforesterie et adaptation changement climatique
Nous avons vu que le changement climatique posait de nombreuses problématiques à l’agriculture qui requéraient des efforts d’adaptation. L’agroforesterie permet de répondre à certaines de ces problématiques. Tout d'abord, les arbres captent du carbone, et réduisent ainsi l’empreinte des exploitations agricoles. Ensuite, ils forment une barrière contre les situations climatiques extrêmes : ils réduisent le ruissellement de l’eau lors des fortes pluies, limitant ainsi les risques d’inondations, d'érosion, et de pollution des eaux. Ils apportent de l’ombre pour protéger animaux et cultures lors de périodes de fortes chaleurs, et forment un refuge pour la faune lors de froids intenses.
À l’international, l’agroforesterie est aussi une solution viable économiquement pour restaurer les terres endommagées par la déforestation et l’agriculture intensive, et transformer ces terres inhospitalières en cultures vivrières capturant du carbone.
L’agroforesterie représente une formidable opportunité pour les agriculteurs d’augmenter leur productivité tout en réduisant leur empreinte carbone. L’inconvénient majeur de cette pratique est qu’elle requiert un investissement initial conséquent, et qu’il existe assez peu d’aides en France pour encourager cette conversion. Les principales subventions viennent de la Politique Agricole Commune (PAC), qui intègre depuis 2006 les systèmes agroforestiers, mais qui restent insuffisantes et nécessitent de nombreuses réformes. L’agriculture étant indispensable à notre survie, il est nécessaire pour le bien de tous d’aider davantage les agriculteurs à rendre leur activité plus résiliente et viable économiquement.