Que proposent les candidats à l'élection présidentielle pour les forêts ?
Plus tôt cette semaine, The Shifters publiait son analyse des mesures écologiques des 12 candidats à l’élection présidentielle 2022. The Shifters est une association de bénévoles ayant pour but d’accompagner le think tank The Shift Project, groupe de réflexion spécialisé dans la transition écologique et présidé par Jean-Marc Jancovici. Dans cette analyse, les programmes sont décryptés à travers douze thématiques, parmi lesquelles la thématique “Forêt-Bois”. L’analyse utilise comme référence la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), introduite en 2015 et qui définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2015, et ainsi d’atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris en limitant le réchauffement climatique à 1,5°C.
L’association donne une appréciation globale au programme de chaque candidat, ainsi qu’une appréciation spécifique à chacune des 12 thématiques étudiées. Ainsi, chaque programme, et chaque thématique au sein de ces programmes, est jugé très proche, proche, éloigné, très éloigné ou très éloigné voire contraire à la SNBC. Dans certains programmes, trop peu de mesures sont exposées pour avoir une idée précise de la cohérence de celui-ci avec la SNBC.
À travers cet article, Kloros vous propose de revenir sur les conclusions du travail des Shifters, en se concentrant sur les mesures en lien avec la forêt proposées par les 12 candidats à l’élection présidentielle 2022.
La forêt : un secteur globalement peu et mal traité dans les programmes des candidats
La forêt joue un rôle central dans la lutte contre le réchauffement climatique en France. En effet, elle séquestre chaque année l’équivalent de 15% de nos émissions annuelles de GES, soit 87 millions de tonnes de carbone. L’action de l’homme sur la forêt a un impact majeur, qui peut être positif ou négatif, sur sa santé, et donc sur sa capacité à séquestrer du carbone. Pourtant, trop peu de candidats la mettent au cœur de leur programme. Ainsi, parmi les 12 programmes, 4 contiennent “trop peu de mesures” pour savoir s’ils sont en accord avec la SNBC.
C’est le cas notamment des programmes de Nathalie Arthaud et de Jean Lassalle, qui n’abordent même pas la forêt, mais aussi de ceux de Philippe Poutou et d'Éric Zemmour. Le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste se contente de proposer de nationaliser l’ensemble des forêts privées de plus de 20 hectares, sans donner davantage de précisions sur la gestion de celles-ci. Éric Zemmour, quant à lui, souhaite la mise en place d’une “stratégie forestière nationale pour le reboisement et l'adaptation au changement climatique” sans expliquer en quoi celle-ci consiste. En outre, on peut regretter le manque de cohérence de son programme avec les objectifs fixés par la SNBC.
Force est de constater que même parmi les candidats qui proposent des mesures en lien avec la forêt, peu sont à la hauteur des objectifs établis par la SNBC. D’ailleurs, aucun programme n’a été jugé “très proche” des objectifs de la SNBC en ce qui concerne la thématique “Forêt-Bois”.
Jean-Luc Mélenchon : seul bon élève en matière de forêt
Le candidat insoumis est le seul candidat dont le programme concernant la thématique “Forêt-Bois” a été jugé “proche” des objectifs fixés par SNBC. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon souhaite améliorer la résilience de la forêt française aux aléas climatiques qui se multiplieront avec les changements climatiques, en y diversifiant les essences d’arbres. De plus, il considère le bois comme un matériau d’avenir pour la construction, et prévoit donc la mise en place de formations professionnelles publiques dans le but d’accompagner l’évolution du secteur de la transformation du bois. En effet, le bois est un matériau de construction beaucoup plus écologique que le béton ou l’acier par exemple, car bien plus isolant et avec un processus de production nettement moins émetteur de carbone. En outre, l’utilisation de bois pour la construction permet un stockage longue durée du carbone qui y est accumulé et qui ne sera en grande partie relâché dans l’atmosphère que lors de la décomposition du bois.
Les programmes de la majorité des candidats ne sont pas à la hauteur des objectifs de la SNBC relatifs à la forêt
Les mesures en lien avec la forêt proposées par les sept autres candidats ont été jugées “très éloignées” des objectifs fixés par la SNBC.
Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan se contente d’encourager l’utilisation du bois comme matériau de construction, sans davantage détailler son propos, ce qui ne semble pas suffisant pour assurer le renforcement de la forêt française ni sa résilience aux changements climatiques.
Anne Hidalgo aborde à peine le sujet, en expliquant vouloir renforcer les moyens de l’Office national des forêts (ONF), organisme public en charge de la gestion des 4,25 millions d’hectares de forêt publique en France métropolitaine (25% de la surface forestière totale en Métropole) mais ne souhaite pas développer l’usage du bois pour la construction ni encadrer son usage pour l’énergie.
Yannick Jadot, candidat écologiste, souhaite protéger les écosystèmes en plantant des essences variées. Il veut également limiter l’exportation des grumes en dehors de l’Union Européenne (UE). Ce point concerne la préservation de la filière bois plus que de la forêt en elle-même. En effet, depuis plusieurs années les scieries françaises subissent une crise sans précédent en raison de l’explosion des exportations qui les prive de matière première. Enfin, il explique vouloir favoriser l’utilisation de bois pour des usages longue durée, mais ne compte pas encadrer l’usage de bois énergie.
Marine Le Pen ne mentionne la thématique “Forêt-Bois” que dans une seule mesure de son programme, et ce de façon indirecte. Ainsi, elle veut lutter contre l’orpaillage illégal en Outre-Mer, ce qui permettrait effectivement d’y sauver certaines forêts du défrichement.
Emmanuel Macron se contente d’évoquer un investissement dans la filière bois, en restant assez flou sur le montant de cet investissement et sur la façon dont il serait réalisé.
Valérie Pécresse prévoit la création d’un fonds de 150 millions d’euros pour “faire émerger” la filière bois, mais on pourrait craindre que celui-ci ne mène à une surexploitation de la forêt française.
Enfin, Fabien Roussel suggère une “gestion durable” de la forêt française, sans préciser ce qu’il entend par là, et souhaite mieux protéger les forêts primaires d’Outre-Mer, ainsi que donner davantage de moyens à l’ONF.
Un manque de connaissance de la filière bois-forêt et de ses enjeux
Ainsi, la quasi-totalité des candidats ont un programme qui n’aborde pas, ou mal, la question de la filière forêt. Cela témoigne d’une méconnaissance profonde de la forêt, qui emploie pourtant plus de 400 000 personnes en France de façon directe ou indirecte et est le principal puits de carbone sur notre territoire. Pour lutter contre le réchauffement climatique, The Shift Project propose différentes pistes d’action en lien avec la forêt. Par exemple, favoriser l’utilisation du bois pour la construction ou l’énergie, diversifier les essences d’arbres présentes en forêt, ou encore multiplier la pousse de bois en dehors des forêts.