Que retenir du nouveau rapport du GIEC ?
QU’EST-CE QUE LE GIEC ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Il s’agit donc d’une association de pays rassemblant 195 États membres avec pour objectif de proposer une synthèse des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, et leurs conséquences. 5 séries de rapport ont été publiées depuis 1988. Celui-ci fait partie de la sixième série, qui est en cours de publication. Les auteurs du rapport ne sont pas sélectionnés pour réaliser des nouvelles recherches, mais pour vérifier, évaluer, et synthétiser les recherches déjà existantes. Ainsi, pour la conception de ce rapport, ce sont plus de 34 000 papiers de recherche qui ont été revus, et ce rapport fait état d'un consensus scientifique unanimement reconnu, et non de théories alarmistes isolées.
Le GIEC est composé de 3 groupes de travail, produisant chacun un rapport. Celui du premier groupe porte sur la compréhension physique du système climatique et du changement climatique. Ce premier rapport de la sixième série a été publié en août 2021. Le travail de deuxième groupe porte sur les impacts, l’adaptation, et la vulnérabilité des sociétés humaines et des écosystèmes au changement climatique. C’est celui que nous étudions ici. Le dernier portera sur les solutions globales à mettre en œuvre pour lutter contre le changement climatique et ses effets, et est attendu pour septembre 2022.
Le rapport complet fait 3675 pages et peut être relativement compliqué à suivre, et surtout beaucoup trop long pour la majorité d’entre nous. C’est pourquoi le GIEC en a également fourni deux résumés, afin de le rendre accessible à tous. Le premier est un résumé technique de 96 pages, et le second un résumé destiné aux décideurs, de 36 pages. Pour creuser un peu plus le sujet, nous ne pouvons que vous conseiller d’aller lire ce dernier résumé, qui sera beaucoup plus complet que celui que nous proposons.
Tout au long de son rapport, le GIEC utilise une liste de qualificatifs pour quantifier le degré de probabilité de réalisation de tel ou tel événement allant de “exceptionnellement improbable” à “quasiment certain”. Les événements que nous évoquons sont tous considérés “très probables” ou “quasiment certains”.
LES IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
À travers ce rapport, le GIEC nous explique que les impacts du changement climatique sont déjà bien réels, et même pires que ce qui avait été prédit par les rapports précédents. Une partie des conséquences sont d’ailleurs déjà irréversibles, puisque les phénomènes climatiques extrêmes ont poussé les systèmes humains au-delà de leur capacité à s’adapter. Mais tout le monde n’est pas égal face aux conséquences du changement climatique, aussi le respect de l’objectif fixé à Paris en 2015 lors de la COP 21 de ne pas dépasser les 1,5°C de réchauffement climatique est réellement une question de vie ou de mort pour certaines populations vivant dans des zones très exposées au changement climatique. En tout, le GIEC estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans un contexte très vulnérable au changement climatique. Le changement climatique exacerbe les inégalités, aussi, les causes profondes de certaines populations sont en partie liées au contexte politique et social.
- Une chute de la biodiversité
Le changement climatique entraîne une chute de la biodiversité. Si l’on prolonge la trajectoire actuelle, soit un réchauffement d’environ 3°C à terme, un tiers des espèces seront confrontées à un risque élevé d’extinction. Aujourd’hui déjà, la moitié des espèces répertoriées ont migré vers les pôles, ou vers des zones plus en altitude. Le rapport estime qu’au niveau local, des centaines de disparitions d’espèces pourront être observées.
- Une multiplication des décès liés à la chaleur
Les problèmes de santé et les décès prématurés seront amenés à augmenter. Il y aura de fortes différences géographiques dans la mortalité liée à la chaleur si nous ne nous adaptons pas. Ainsi d’ici 2050 en France, le nombre de personnes mourant chaque année à cause de la chaleur passera de 1 500 à 5 000, soit une multiplication par presque 2,5.
- Une augmentation des problèmes de santé mentale
Pour la première fois, ce rapport fait état d’une augmentation des problèmes de santé mentale, surtout en Asie, en Europe, et en Amérique du Nord. Ceux-ci seront liés à l’augmentation des températures, ou encore à des traumatismes liés à des événements extrêmes tels que des cyclones qui entraîneraient une perte de leur habitation. En outre, le GIEC estime que le niveau d’anxiété et de stress des enfants, des adolescents et des personnes âgées va croître.
- Des pénuries d’eau
De plus en plus d’endroits manqueront d’eau, notamment du fait que de nombreux bassins fluviaux dépendent des fontes de neiges, et donc de la présence des glaciers dont beaucoup seront amenés à disparaître. Ce manque d’eau poussera les populations à exploiter des sources d’eau moins sûres, et multipliera donc les maladies liées à l’eau. Aujourd’hui déjà, la moitié de la planète fait face à de graves pénuries d’eau une partie de l’année. Jusqu’à 3 milliards de personnes pourraient faire face à une pénurie chronique en cas de réchauffement à 3°C. Partout dans le monde, ces risques liés à la disponibilité de l’eau continueront à augmenter.
- Un manque de nourriture
Le réchauffement climatique va également exacerber les problèmes liés au manque de nourriture, du fait de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, des inondations, ou encore du niveau des mers. Notre sécurité alimentaire est donc également en jeu. Le GIEC rappelle d’ailleurs qu’au cours des 50 dernières années, les pertes de récoltes liées à des épisodes de sécheresse ou de chaleur extrême en Europe ont triplé, et vont continuer à se multiplier. En outre, le réchauffement climatique affaiblira la santé des sols et des services écosystémiques tels que la pollinisation, et augmentera la pression exercée par des ravageurs tels que les criquets migrateurs ou des maladies sur les cultures. De plus, la biomasse marine sera amenée à réduire, alors qu’elle représente l’une des sources d’alimentation principales de plus de 3 milliards de personnes dans le monde.
- Une augmentation du risque global
De plus en plus souvent, des aléas climatiques vont se produire simultanément et ainsi augmenter le risque global, et créer des risques en cascade. Par exemple, l’augmentation du rythme des sécheresses entraînera une perte de production alimentaire et de productivité des travailleurs (du fait de la chaleur). Leur revenu baissera donc alors que les prix de la nourriture augmenteront.
- Multiplication des sécheresses, inondations et canicules en France
En France, les sécheresses se multiplieront, surtout dans le sud, alors qu’elles coûtent déjà plus de 1,2 milliards d’euros à l’économie nationale chaque année. Les régions viticoles du sud, et donc la production de vin, seront également menacées. Nous serons également touchés par des inondations, des canicules, ou encore des incendies gigantesques. Les DOM-TOM seront particulièrement affectés. La France sera donc frappée directement sur son territoire, mais aussi indirectement puisque ses chaînes d’approvisionnement et de production seront affaiblies. Il sera également plus difficile d’exporter avec l’augmentation du prix des biens.
QUELLE MARGE DE MANOEUVRE POUR S’ADAPTER ?
- Des mesures simples à mettre en place
Ce rapport s’attache à proposer de nombreuses solutions d’adaptation au changement climatique. Il insiste néanmoins sur le fait que la technologie n’est pas la solution. Parmi les 23 actions d’adaptation qui sont présentées, 12 sont jugées moyennement voire très faciles à mettre en place. Le GIEC rappelle ainsi que l’action est possible et est avant tout une question de volonté. En effet, le rapport estime que la majorité des barrières matérielles, physiques et économiques seraient aisément dépassables. Le GIEC explique que les mesures d’adaptation déjà mises en place sont efficaces, mais trop rares. Plus le réchauffement s’intensifiera, plus les mesures seront complexes et coûteuses à mettre en place.
- Un enjeu démocratique
Les efforts qui obtiennent les meilleurs résultats d’adaptation sont ceux qui incluent les populations locales et les groupes marginalisés. L’adaptation est donc également un enjeu démocratique. À titre d’exemple, dans le cas de l’adaptation d’une forêt, la collaboration avec les populations locales et la reconnaissance de leurs droits inhérents font partie de la réussite.
- Des limites à l'adaptation qui peuvent être dépassées
Le rapport évoque une distinction entre limites dures et limites souples. Une grande partie des écosystèmes ont atteint ces limites dans leur adaptation au changement climatique. Les limites dures ne peuvent être dépassées, en revanche les limites souples peuvent l’être en s’attaquant à une série de contraintes, qui sont essentiellement financières, institutionnelles, et politiques. Globalement, il y a aujourd’hui un manque de financements des mesures d’adaptation, en dépit du fait que les flux financiers mondiaux concernés ont augmenté. Les pays en développement manquent particulièrement de financements, alors que bien souvent ce sont eux qui sont, et seront le plus affectés par le changement climatique.
- Une augmentation inévitable des phénomènes de migration
Néanmoins, l’adaptation ne pourra pas empêcher la surexposition des populations modestes au réchauffement climatique. Les migrations dans de nombreuses régions fortement exposées augmenteront quoi qu’il arrive. Depuis 2008, 20 millions de personnes ont migré chaque année au sein de leur pays en raison d'aléas climatiques.
- Éviter les mesures de maladaptation
Le rapport appelle en outre à faire attention aux mesures de maladaptation, qui concernent surtout les populations marginalisées. Ce terme renvoie à des mesures inadaptées qui peuvent créer encore davantage de vulnérabilité et s’avérer extrêmement coûteuses. Elles peuvent être évitées par une planification multisectorielle et une meilleure prise en compte des populations marginalisées. En règle générale, l’émergence de conditions sociales et politiques favorables à l’action est indispensable, aussi, davantage de justice sociale réduirait les risques.
- La nécessité d’un développement résilient
La notion de développement résilient au changement climatique est largement développée dans ce rapport. Celui-ci n’est possible que si le gouvernement, la société civile, et le secteur privé font le choix d’un développement inclusif, dans lequel l’équité et la réduction des risques sont au centre des préoccupations. La coopération internationale semble également nécessaire à cet égard, tout comme la préservation de la biodiversité et des écosystèmes.
UN APPEL À L’ACTION
Bien plus que les précédents, ce rapport insiste sur le fait que la lutte contre le changement climatique est une lutte politique et systémique. Il adopte donc une approche systémique, en prenant également en compte la justice sociale, les inégalités économiques et sociales, ainsi que les discriminations. Si les conclusions de ce rapport sont alarmantes, son objectif est d’inciter les décideurs politiques à agir. Ainsi, le rapport est clair sur un point : nous avons encore le temps d’agir pour éviter le pire, mais plus pour longtemps. Le ton se veut donc optimiste, et de nombreux leviers d’action sont proposés. Ce rapport insiste sur le fait que tout retard supplémentaire dans l’action nous ferait perdre la petite fenêtre d'action dont nous disposons encore pour agir. Sans action immédiate et ambitieuse, il deviendra impossible de s’adapter.