La biodiversité des forêts françaises
La forêt française métropolitaine, avec ses 17,1 millions d’hectares, contient à elle seule plus d’un tiers de la biodiversité du territoire. Quand on pense biodiversité forestière, on pense souvent aux essences d’arbres et à la faune emblématique, en particulier les grands mammifères, mais le terme biodiversité est en réalité bien plus large. Elle se définit comme la variabilité des êtres vivants, et inclut donc la diversité des espèces, mais également des paysages et écosystèmes, et la diversité génétique des individus au sein d’une même espèce.
La forêt française, un réservoir de biodiversité
- Inventaire de la biodiversité forestière
Bien que les feuillus y soient majoritaires (64% de feuillus pour 36% de résineux) et en particulier les chênes, la France métropolitaine présente une grande variété d’écosystèmes forestiers, du fait de la diversité des climats et des sols de nos régions. Pour ne citer qu’eux, on peut mentionner à titre d’exemple les plantations de pins maritimes des Landes de Gascogne, les chênaies de Sologne, les forêts de sapins du Jura, ou bien encore les diverses forêts méditerranéennes.
Du côté de la flore, on trouve dans nos forêts pas moins de 138 essences d’arbres différentes, mais celles-ci servent également de refuge pour plus de 70% de la flore métropolitaine, des arbustes aux fleurs, en passant par les mousses ; et plus de 30000 espèces de champignons, qui participent notamment à la croissance des arbres et à la dégradation de la matière organique.
Quant à la faune, on y compte 73 espèces de mammifères, 120 espèces d’oiseaux, mais également des amphibiens, des reptiles et surtout une multitude d’insectes, ces derniers étant souvent oubliés, alors qu’ils représentent environ 75% des espèces forestières.
Un champignon, un cloporte, ou même des micro-écosystèmes tels que les mares ou les souches d'arbres, sont donc des éléments de la biodiversité forestière tout aussi importants qu’un chêne, un cerf ou un renard !
Ces chiffres ne prennent pas en compte les forêts d’Outre-mer, et en particulier la forêt guyanaise, la plus grande réserve de biodiversité française, qui recouvre à elle seule plus de 8 millions d’hectares, et est aujourd’hui très menacée par la déforestation.
- Des forêts plus ou moins diversifiées
Cependant, toutes les forêts françaises ne sont pas égales en terme de biodiversité : près de la moitié d’entre elles est constituée de peuplements monospécifiques, c’est-à-dire qu’il peut y avoir plusieurs essences d'arbres mais qu’une domine largement, c’est notamment le cas de la fameuse forêt des Landes, principalement conduite en monoculture de pins maritimes depuis le XIXème siècle, à l’origine pour arrêter les dunes poussées par le vent et l'océan. Seulement 4% des forêts sont composées de 4 essences ou plus.
Toutefois, la diversité des essences d’arbres n’est pas le seul critère: le Muséum National d’Histoire Naturelle classe 39,7% des forêts françaises comme “forêts à haute valeur pour la conservation”, principalement dans le Sud-Est, les Pyrénées et la Bourgogne.
- Quels sont les avantages d’une riche biodiversité en forêt ?
La biodiversité est à la base de tous les services écosystémiques rendus par les forêts, que ce soit la production primaire de biomasse, la purification de l’air et de l’eau, la formation et la rétention des sols, ou même les services culturels. L’ensemble des espèces est nécessaire au bon fonctionnement d’un écosystème forestier.
Par ailleurs, une forêt à faible biodiversité est une forêt fragile, et en particulier les plantations monospécifiques. Ces dernières sont beaucoup plus sensibles aux aléas climatiques, ainsi qu’aux pathogènes, car ils se propagent plus facilement entre arbres d’une même espèce et peuvent donc décimer un peuplement entier très rapidement. En effet, la biodiversité favorise la résilience des écosystèmes, c’est-à-dire leur capacité à se remettre des aléas et à s’adapter aux changements climatiques : suite à une tempête, une forêt avec plusieurs strates de différentes essences pourra se régénérer naturellement, contrairement à une futaie régulière monospécifique, qui nécessitera une intervention.
Une biodiversité en danger
- De nombreux écosystèmes et espèces menacés
La biodiversité forestière française, à l’image de celle de notre planète, est fortement menacée. Selon le bilan 2020 de l'Observatoire National de la Biodiversité, seulement 18% des forêts métropolitaines françaises sont en bon état de conservation. Par ailleurs, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) considère 4 écosystèmes forestiers méditerranéens comme menacés : les pinèdes à pins de Salzmann méditerranéennes (en danger), les suberaies méditerranéennes, les châtaigneraies méditerranéennes, et les pinèdes à pin maritime mésogéen (vulnérables).
Mais surtout, de nombreuses espèces forestières figurent sur la liste rouge de l’UICN : 6 essences d’arbres indigènes, dont 3 espèces de sorbiers, 17% des oiseaux et environ 20% des mammifères. Les insectes, essentiels à la bonne santé d’un écosystème, sont également en danger, c’est le cas de 40% des coléoptères saproxyliques (qui dépendent du bois mort).
- Quelles sont les menaces ?
A l’échelle mondiale, et tout particulièrement dans les zones tropicales, la déforestation constitue la principale menace qui pèse sur la biodiversité forestière. Mais en France métropolitaine, ce sont les suivantes, classées par ordre d’importance.
Les espèces exotiques invasives, qui entrent en compétition ou transfèrent des maladies aux espèces indigènes, et donc entraînent un déclin de leur population. C’est le cas d’espèces animales comme l’écureuil à ventre rouge, exotique, face à l’écureuil roux, autochtone ; végétales comme l’eucalyptus, le douglas, ou encore l’épicéa de sitka, fortement utilisés en reboisement, au détriment d’espèces indigènes ; et également d’insectes et champignons, comme la mineuse du marronnier, un papillon originaire des Balkans, qui s’attaque aux populations de marronniers de la quasi-totalité du territoire.
Les espèces indigènes peuvent également devenir invasives, c’est notamment le cas des grands ongulés qui, s’ils sont trop nombreux, peuvent nuire au renouvellement naturel des forêts, en consommant les jeunes pousses.
La surexploitation forestière : le nettoyage des sous-bois et l’automatisation appauvrissent les sols, qui, une fois tassés et dépourvus de couvert végétal, peuvent devenir hostiles pour de nombreuses espèces. Les méthodes d’abattage intensives, c’est-à-dire les coupes rases, détruisent les habitats forestiers et perturbent la faune locale. Les plantations monospécifiques, bien que productives, sont également des freins au développement d’une riche biodiversité forestière.
Le changement climatique : les forêts ne s’adaptent pas assez vite par rapport à l’augmentation des températures, certaines essences voient déjà leur aire de répartition se réduire, et cela ne va qu’empirer dans les prochaines années.
La pollution : du fait des activités industrielles, mais également agricoles, de nombreux polluants se retrouvent dans l’air, l’eau et le sol des forêts, et perturbent l'équilibre des écosystèmes, ce qui se traduit notamment par une diminution de la faune microscopique des sols.
La fragmentation des habitats : les forêts sont indispensables au maintien des continuités écologiques entre les différents milieux, mais la fragmentation croissante des massifs, liée à la pression urbaine, et aggravée par la pluralité des propriétaires privés français, et donc des modes de gestion, fragilise ces milieux.
Comment protéger cette biodiversité ?
Pour sauvegarder la biodiversité de nos forêts, au-delà de celles ayant un statut d’aire protégée, il est indispensable d’adapter les méthodes sylvicoles pour répondre à cet enjeu, voici une liste non exhaustive de pratiques de gestion durable à appliquer
Lors des boisements et reboisements, il faut évidemment éviter la monoculture et favoriser la diversité des peuplements, tout en choisissant en priorité des essences autochtones et adaptées à la station.
On a tendance à penser qu’une coupe est une mauvaise chose pour la forêt, alors que s'il s’agit d’une éclaircie raisonnée, respectueuses des milieux forestiers (ou les rares coupes rases dictée par des impératifs sanitaires), celle-ci va apporter de la lumière et diversifier les milieux en créant des lisières et clairières. Elle va également favoriser la régénération naturelle, en laissant la place aux jeunes arbres de se développer après la récolte des plus anciens. Ces coupes doivent aussi être adaptées en fonction des périodes de reproduction de la faune, ainsi que les périodes de nidification des oiseaux forestiers, celle-ci durant de mi mars à fin juillet, on privilégiera donc une coupe en fin d’été.
Il est indispensable de conserver les habitats naturels, qu’il s’agisse d'arbres vivants porteurs de nids, de souches, ou encore d'arbres morts sur pied, véritables refuges pour de nombreuses espèces d’insectes, mais aussi d’oiseaux et de chauves souris. Il a été estimé que 25 % des espèces forestières dépendent des vieux arbres, des micro-habitats et du bois mort. Cela passe également par l’absence de compactage et nettoyage des sous-bois.
La pratique de la chasse est généralement perçue comme une menace pour la biodiversité, mais s’il s’agit d’une chasse durable, dont le but est effectivement de limiter les populations animales invasives, tout en respectant leur cycle reproducteur, alors elle aura en réalité un effet positif.
Il est aussi important de maintenir une diversité des milieux dans une même forêt : on parle de “forêts mosaïques”, cela passe par préservation des zones humides, mais également la création de réserves biologiques, en laissant des zones en libre évolution, sans exploitation forestière.
La plupart de ces principes de gestion durable sont soutenus par la sylviculture dite pro-silva, appliquée aux forêts gérées par Kloros.
Les forêts françaises sont de véritables réservoirs de biodiversité, mais elles sont déjà fortement menacées, et l’augmentation des aléas climatiques, qui va de pair avec la hausse des températures, risque d’amplifier ce déclin. Cela aura un impact non seulement environnemental, mais également économique, sur la filière bois, il est donc indispensable d’adapter la gestion forestière à cet enjeu.
Sources : Vallauri, D. & Berenger, E. (2009). Les forêts françaises : une biodiversité à la fois riche et menacée; UICN France; IGN; Convention sur la diversité biologique.