La France est-elle condamnée à subir de plus en plus de feux de forêts ?

La France est-elle condamnée à subir de plus en plus de feux de forêts ?

Les récents incendies en Gironde sont venus nous le rappeler : chaque année l’été rime avec feu de forêts. Entre 2010 et 2021, 123 000 hectares de forêt ont brûlé en France, et plus de 21 000 ha en 2022 en Gironde seule. Quelles sont les causes d’un tel phénomène et quelles solutions l’homme peut-il y apporter?

L’ampleur du phénomène

En France, 31% de la surface est recouverte de forêts soit 16,8 millions d’hectares en tout, ce qui nous place à la quatrième place des pays ayant la plus grande surface forestière d’Europe. Il n’est alors pas surprenant que la France soit si souvent frappée par des feux de forêts. Selon la Base de Données sur les Incendies de Forêts en France (BDIFF), entre 2010 et 2021, la France a subi près de 31 000 feux de forêts, pour une surface détruite totale de 123 000 hectares. Cela représente une moyenne annuelle d’environ 2800 incendies et de 11 200 hectares brûlés. Ce phénomène ne frappe pas le territoire de façon uniforme : on observe une forte concentration des incendies dans le Sud de la France et notamment dans la partie méditerranéenne. Néanmoins, les feux de forêts restent relativement contrôlables si on compare à d’autres pays européens : en 2017 au Portugal, 563 000 hectares de forêts sont partis en fumé, soit 6% de la surface totale du pays. En 2021, la Grèce et l’Italie ont respectivement vu brûler 130 000 et 150 000 hectares de leurs forêts. Si on regarde le reste du monde, la France est même relativement épargnée par les feux : entre 2019 et 2020, les feux de brousses ont touchés 18,6 millions d’hectares, détruit 5000 bâtiments et tué plus d’un milliard d’animaux. Cet exemple nous rappelle qu’en plus des forêts, les incendies peuvent aussi affecter les prairies, les friches ou les champs, facilitant leur propagation et les rendant encore plus dangereux. Face à des phénomènes d’ampleurs aussi variables, de quels moyens l’homme dispose-t-il pour y faire face? 

Carte des incendies en France métropolitaine de 2010 à 2021, source : bdiff.agriculture.gouv.fr

Carte des incendies en France métropolitaine de 2010 à 2021, source : bdiff.agriculture.gouv.fr

Les causes des feux de forêts

Avant de combattre les feux, on peut déjà essayer de les éviter. En effet, en France, 90% des départs d’incendies ont une origine anthropique. Ces feux sont provoqués par des imprudences ou des comportements dangereux qui pourraient facilement être évités, comme le fait de jeter un mégot de cigarette, de faire un barbecue, ou de faire des travaux près de végétaux.

Il faut d’autant plus surveiller ces comportements qu’avec le réchauffement climatique les forêts sont plus susceptibles de prendre feu. On observe simultanément une hausse de la fréquence, de la durée, et de la violence des canicules et des sécheresses qui fragilisent les forêts. De plus, les sécheresses ne sont plus un phénomène exclusivement estival, et peuvent aussi s’étendre en hiver lorsqu’il n’y a pas assez de pluie, pouvant provoquer des feux de forêts hivernaux. Certaines essences forestières sont également durement touchées par la hausse des températures et de la fréquence des sécheresses, allant jusqu’à causer le dépérissement et la mort de ces arbres. Le changement climatique affecte aussi les défenses immunitaires des arbres face à des parasites comme le scolyte, qui peuvent également provoquer la mort des arbres qu’ils attaquent.

Des conséquences affectant tous les domaines de la société

Les conséquences des feux de forêts sont d’autant plus graves qu’elles ne se limitent pas aux forêts elles-mêmes. Une forêt brûlée aura un fort impact économique pour le propriétaire qui ne pourra plus tirer de revenus de la vente de bois ou de toute autre activité économique dépendant de la forêt, et qui devra investir dans des travaux de reboisement. Ces incendies ont aussi des conséquences sociales puisque les forêts ne pourront plus accueillir de public ou d’activités comme la chasse, et modifieront complètement le paysage. Mais la conséquence la plus grave est pour l’environnement. Il y a d’abord la disparition de la biodiversité présente dans la forêt : nous l’avons vu avec l’exemple de l’Australie dont les feux de brousses ont provoqué la mort d’un milliard d’animaux, et d’une quantité inestimable de végétaux, champignons et micro-organismes. Ensuite, les feux de forêts détruisent des puits de carbone et relâchent énormément de CO2 dans l'atmosphère : en 2019, les feux de forêts en Sibérie ont relâché 244 millions de tonnes de CO2. A titre de comparaison, les émissions totales de CO2 en France en 2019 étaient de 450 millions de tonnes. En plus du CO2, ces feux relâchent des particules fines en grande quantité, comme de la suie par exemple, qui dégradent fortement la qualité de l’air et nuisent à la santé des populations.

Quelles solutions face à ces phénomènes ?

La première solution et aussi la plus simple est la prévention : rappeler à tout un chacun les gestes à éviter, et ceux à adopter en cas d’incendie

Mais il est aussi possible de renforcer la résistance de la forêt face au feu grâce au travail des forestiers. En effet, on peut limiter le risque d’incendie en effectuant certains travaux préventifs : par exemple effectuer un débroussaillage permet de réduire la densité de végétaux, et donc de limiter la propagation des flammes en cas de départ de feu et de faciliter le travail des pompiers. Le débroussaillage réduit drastiquement les chances que le feu se propage du sous-bois vers les arbres, et donc qu’il prenne une ampleur démesurée. Les forestiers peuvent aussi aménager le territoire avec des zones de pare-feu placées de façon stratégique. Ces zones correspondent à des bandes d’environ 40m de large sur lesquelles on effectue une coupe rase pour stopper la propagation d’un potentiel feu. La diversification des essences est aussi une solution : les feuillus ont des feuilles plus chargées en eau que les résineux, et la végétation poussant à leur pied est plus diverse et donc retient plus d’eau. Plus surprenant, les pompiers peuvent réduire les risques d’incendies… en déclenchant des incendies. Le brûlage dirigé consiste à déclencher un feu de façon encadrée pour détruire les végétaux qui pourraient servir de combustible si un véritable incendie venait à se déclencher, comme les épines de pins ou d’autres végétations basses. Les récents incendies à Bordeaux de juillet 2022 montrent l’importance de la gestion forestière : la forêt ayant brûlé avait un statut particulier puisque c’étaient les usagers et non les propriétaires qui pouvaient décider d’effectuer des travaux, et cette situation a entraîné des conflits bloquants la gestion de la forêt.

Étant donné que la hausse des températures et des sécheresses n'est pas près de s’arrêter, il est important de prendre en compte le danger croissant que représentent les incendies pour nos forêts, et donc pour nos stratégies de réduction d’émissions de CO2. Il devient donc nécessaire d’effectuer des travaux de gestion dans les forêts si on ne veut éviter de voir apparaître puis se généraliser des phénomènes de méga-feux en France. C’est d’autant plus important qu’en France, plus de 75% des forêts sont privées, que ces forêts sont très morcelées et souvent peu gérées, et qu’elles ont donc tout à gagner à être gérées. Le problème est que cette gestion à un coût car elle nécessite de nombreux travaux, et que tous les propriétaires ne peuvent pas le supporter. La forêt a donc besoin de politiques incitatives offrant des aides financières aux propriétaires pour financer une gestion adaptée aux risques d’incendies.

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